Les adeptes du tourisme équitable conçoivent leurs séjours comme un échange.
Un engagement social et moral qui est à la portée de chacun, à condition de rester vigilant car les abus existent.
Un partage pas toujours équitable
Nous sommes plus d’un milliard à boucler chaque année nos valises pour découvrir des horizons différents. Une pratique qui pèse lourd dans l’économie mondiale : à lui seul, le secteur touristique représente 12 % du PIB global, soit plus de 500 milliards de dollars dépensés chaque année auprès des compagnies aériennes, des hôtels, des restaurants, des organisateurs de loisirs et autres marchands de souvenirs. Pourtant cette manne financière ne profite pas à tout le monde de la même manière : entre 80 % et 90 % des produits du tourisme reviennent aux pays du Nord*. Les grandes perdantes étant les communautés villageoises qui voient débarquer puis repartir des cohortes de touristes armés de leurs perches à selfies, sans espoir d’initier le moindre échange tant économique qu’humain.
Une nouvelle manière de voyager
Un constat que partagent les partisans d’un tourisme plus « durable », c’est-à-dire dans lequel chacun y trouverait davantage son compte. Ce combat n’est pas qu’une affaire de militants chevronnés, en Pataugas et sac à dos, puisque l’Organisation des Nations unies (ONU) s’y intéresse désormais. Son Assemblée générale a très officiellement consacré 2017, « Année internationale du tourisme pour le développement ». Dans leur résolution n°70/93, les diplomates rappellent qu’ « Un tourisme bien conçu et bien organisé peut apporter une contribution non négligeable au développement durable dans ses trois dimensions, qu’il est étroitement lié à d’autres secteurs et qu’il peut créer des emplois décents et des débouchés commerciaux ».
Heureusement, les acteurs économiques du voyage se sont emparés de la question depuis plusieurs années déjà, en défendant la notion d’un tourisme équitable. Dans son ouvrage, « Tourisme équitable, à la découverte de l’autre... et de soi », paru en 2008, Stéphanie Vialfont le résume d’un trait : « Les principes appliqués au commerce équitable devraient être appliqués au tourisme de masse, d'où la notion de tourisme équitable. Comme pour le commerce, il s'agirait d'assurer aux habitants des pays touristiques, souvent pauvres, un juste partage des revenus du tourisme, dans une logique de développement durable. »
Entre humanitaire et écolo
Attention pourtant aux confusions car le tourisme équitable n’est pas une aventure humanitaire : on ne part pas en mission pour tendre la main à des populations en détresse. On parle bien ici d’un voyage d’agrément, bien que l’intérêt des communautés visitées ne soit pas oublié. Il ne s’agit pas non plus d’éco-tourisme pour apprentis rangers ou protecteurs de la nature bien que le respect de l’environnement soit implicite dans le tourisme équitable. Celui-ci se rapproche, en revanche, du « tourisme solidaire » qui implique ses participants dans un programme de développement. Cependant, le tourisme équitable se limite, pour sa part, à une participation aux activités locales dans le but de créer une rencontre, une découverte, bref un partage. Quant au volet économique, il prend la forme d’une juste rémunération des prestataires locaux ainsi que d’une petite participation financière à des projets de développement.
Selon l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES), qui réunit près d’une vingtaine de voyagistes tenants du tourisme équitable, 33 % du prix d’un voyage profite à l’économie de la destination. En outre, 5 % du prix payé par le client viennent abonder un fonds de soutien à des initiatives locales. Ainsi l’agence « Double sens », qui dessert une quinzaine de destinations, ponctionne 50 € par client afin de soutenir des projets de développement au sein des communautés qui accueillent ses clients.
Éviter les effets indésirables
Dans la plupart des cas, les communautés reçoivent les fonds avant l’arrivée des touristes. Elles ont ainsi les moyens nécessaires pour bien les accueillir. Quant aux projets locaux, ils sont soutenus toute l’année, ce qui évite des mises en scène parfois artificielles : activités sporadiques, encouragées au moment du passage des touristes ou traditions et costumes folkloriques ressortis du placard alors qu’ils ne sont plus utilisés depuis belle lurette.
Comme tous les autres, le tourisme équitable a connu son lot de dévoiements. Il y a cinq ans, l’émission d’investigation, People & Power, sur la chaîne Aljazeera, a débusqué des pratiques douteuses en lien avec des orphelinats au Cambodge. Sur 3 000 $ réglé par des voyageurs de bonne foi, seuls 9 $ profitaient aux orphelins. Le gros du magot terminant dans les poches de dirigeants peu scrupuleux, soupçonnés d’exploiter sexuellement les petits. Ceux-ci étant d’autant plus nombreux que certaines familles cambodgiennes ont préféré confier leurs enfants à ces institutions dans l’espoir qu’ils bénéficient de la générosité des étrangers.
Ainsi, avant de se lancer dans l’aventure du tourisme équitable, est-il indispensable de bien se renseigner. Certificats, récompenses par des organismes reconnus, labels… permettent de s’engager en toute confiance en faveur d’une nouvelle manière de voyage.
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Sources
* Assises du développement et de la solidarité internationale qui se sont déroulées entre le 5 novembre 2012 et le 1er mars 2013. Le tourisme équitable et solidaire a été abordé lors de la deuxième table-ronde du chantier n°5 consacré à l'innovation et à la recherche dans les politiques de développement.