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RSE Vers la fin du grand gâchis alimentaire ?
24/02/2017
6 min

« From farm to fork » (littéralement de la ferme à la fourchette), comme disent les Anglo-saxons, plus de 30 % de la nourriture produite est jetée à la poubelle partout dans le monde. Un immense gâchis, dont nous sommes tous responsables : producteurs, distributeurs, restaurateurs… et nous, consommateurs ! Mais une prise de conscience émerge, et les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire se multiplient, y compris dans l’hôtellerie-restauration, elle aussi désormais sensible à la nécessité de réduire les pertes.

La grande gabegie

Chaque année, un habitant jette en moyenne 50 kgs de nourriture encore mangeable, dont un tiers de produits emballés. L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) estime que le gaspillage alimentaire est surtout imputable aux Européens (qui jettent en moyenne 95 kg par an et par habitant) et aux Américains (115 kgs), tandis que les Asiatiques, les Africains et les Sud-Américains sont bien plus rationnels en la matière. Et les ménages ne sont pas les seuls acteurs de ce gaspillage. L'industrie agroalimentaire, les détaillants et la restauration ont aussi leur part de responsabilité.

Dans l'hôtellerie-restauration, c'est simple : un quart des achats de nourriture finissent à la poubelle ! On estime d'ailleurs que le gaspillage est près de quatre fois plus important au restaurant qu'à la maison : à la fin de chaque repas servi, un serveur jette en moyenne 125 g (contre 34 g jeté par le convive à son domicile). Et pour cause : il est difficile pour les restaurateurs de gérer ses commandes au plus juste, d'ajuster les portions à l'appétit de chacun et il est très rarement possible de réutiliser ce qui n'a pas été consommé. Selon Jonathan Bloom, auteur du livre American Wasteland, les barquettes de frites chez McDonald's sont jetées au bout de 7 minutes si elles n'ont pas trouvé preneur.

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20170224-combatfoodwaste-1 A la maison ou au restaurant : le gaspillage alimentaire est partout

Or, dans un contexte de raréfaction des matières premières et de croissance démographique –il faudra nourrir 9 milliards de personnes en 2050 !-, lutter contre le gaspillage alimentaire devient crucial. Réduire ce gâchis, c'est redonner de la valeur à l'alimentation, améliorer la rentabilité des acteurs économiques du secteur et diminuer les impacts négatifs sur l'environnement. Car en raison de l'énergie nécessaire pour produire, transformer, conserver, emballer et transporter les aliments, le gaspillage alimentaire à l'échelle mondiale émet plus de gaz à effet de serre que le troisième plus grand pays émetteur de la planète, l'Inde, après les Etats-Unis et la Chine. Le saviez-vous ?16 000 litres d'eau sont nécessaires pour produire 1 kg de bœuf et 100 litres d'eau pour une baguette de pain.

Quelles recettes contre le gaspillage alimentaire ?

Heureusement, les autorités prennent conscience du problème : en 2012, le Parlement européen a adopté une résolution demandant des mesures urgentes pour réduire de moitié le gaspillage d'ici 2025. La France lui a aussitôt emboîté le pas, en signant un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, visant ce même objectif. 

L'hôtellerie-restauration n'est pas en reste. « La règle des trois 'R' -Réduire, Réutiliser, Recycler- fonctionne très bien aussi dans les restaurants », assure Dana Gunders, experte au Conseil de défense des ressources naturelles, une ONG américaine. Elle résume ainsi la stratégie à adopter pour les restaurateurs : « Planifiez au plus juste, donnez les restes au personnel si possible, aux animaux ensuite, et enfin compostez vos déchets ».

Les pistes d'actions à l'étude sont ainsi nombreuses : analyser les plats servis pendant une semaine pour planifier au mieux les achats ; dresser un état précis des stocks avant d'acheter ; surgeler des produits pour les conserver plus longtemps ; limiter le nombre de plats à la carte ; les proposer en demi portions ; ou encore, plus audacieux, facturer le gaspillage lors d'un buffet à volonté. « Si nous gaspillons, nous réduisons notre marge, explique Roland Héguy, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie. Aussi, nous devons être performants pour assurer la pérennité de nos entreprises, avoir un rôle pédagogique auprès de nos clients et limiter les impacts de notre activité sur l'environnement ». Le doggy bag, une pratique très prisée outre-Atlantique qui consiste à emporter les restes de son repas au restaurant, gagne peu à peu l'Europe. En Ecosse, le gouvernement fournit gratuitement à tous les restaurateurs des doggy bags. En Italie, ce sac a été rebaptisé « family bag » et voit depuis sa popularité grimper. En France, depuis le 1er janvier 2016, les restaurateurs sont incités à proposer à leurs clients un « gourmet bag » pour qu'ils puissent repartir avec leurs restes.
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20170224-combatfoodwaste-3 Osez demander un doggy bag
La dynamique est lancée. Et partout, les initiatives se multiplient : à Paris, des chefs ont organisé un brunch antigaspi géant à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le gaspillage alimentaire le 16 octobre 2016. Pendant l'Euro 2016, le projet « Foot for Food », lancé par l'UEFA, la Fondation du Football et des banques alimentaires, a permis à des bénévoles de collecter les produits périssables non consommés (pizzas, petits fours etc) puis de les redistribuer à des associations. En Angleterre, une application pour smartphones permet d'acheter à moitié prix les restes des restaurants, afin qu'ils terminent dans nos estomacs plutôt qu'à la poubelle (« from bins to bellies »). A Londres, la Sustainable Restaurant Association intervient dans 200 restaurants pour aider le personnel à réduire le gaspillage alimentaire et à faire bon usage de leurs restes. Aux Etats-Unis, la Green Restaurant Association référence sur son site Internet tous les établissements « verts », notamment ceux qui luttent contre le gâchis de la nourriture. Le client peut ainsi choisir sa steackhouse, son sushi-bar ou son gastro à l'aune de ce critère.

AccorHotels : - 30 % de gaspillage alimentaire d'ici 2020

Dans ses hôtels, AccorHotels sert chaque année plus de 200 millions de repas et un quart de son chiffre d'affaire est généré par la restauration. Le groupe s'est engagé à réduire le gaspillage alimentaire de 30 % d'ici 2020, dans le cadre de son programme Planet 21 et de sa Charte de l'alimentation saine et durable, publiée en 2016.

Pour y parvenir, un état des lieux est d'abord dressé. Depuis deux ans, plus de 30  hôtels ont ainsi testé des outils digitaux, comme cette tablette connectée à une ou plusieurs balances en cuisine qui indique en temps réel le gaspillage, à la fois en termes de poids et de coût. Les équipes savent ainsi pertinemment quels produits sont les plus jetés et peuvent ensuite mieux cibler les actions à mener pour diminuer le gaspillage. En moyenne, les hôtels ayant testé les tablettes de la start-up Winnow ont réduit de 52 % leurs déchets alimentaires. Comment y sont-ils parvenus ? En respectant les températures de stockage des aliments, en limitant le nombre de produits proposés dans les buffets, en ne préparant pas de plats trop en amont, en dosant mieux les portions servies aux hôtes, en sensibilisant les collaborateurs et les clients, ou encore en créant des recettes inventives pour mieux réutiliser les restes. Ainsi le Novotel de Nantes Carquefou en France transforme les viennoiseries non consommées du petit déjeuner en puddings ; en Nouvelle-Zélande, le Pullman d'Auckland confectionne de la marmelade à partir des pelures d'oranges pressées pour le petit déjeuner et le MGallery Hotel St-Moritz de Queenstown transforme le lait non consommé en fromage. Dans les pays où cela est autorisé, les hôtels-restaurants du groupe donnent enfin les denrées alimentaires non utilisées à des associations. A Bangkok, une dizaine d'hôtels donnent deux fois par semaine les restes des buffets à un bidonville, ce qui permet de nourrir une centaine d'enfants.

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20170224-combatfoodwaste-5 La technologie Winnow dans les hôtels
Pour AccorHotels, l'enjeu est à la fois écologique et économique. Mais aussi éthique. D'après le Worldwatch Institute, la réduction des pertes alimentaires fait partie « des trois changements radicaux qui permettraient de lutter contre la faim et la pauvreté dans le monde ». Alors à vos fourchettes !

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